samedi 30 janvier 2016

La part du rêve ...


J'ai tant rêvé de toi que tu perds la réalité
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant 
Et de baiser sur cette bouche la naissance 
De la voix qui m'est chère ? 



J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués
En étreignant ton ombre
A se croiser sur ma poitrine 
ne se plieraient pas 
Au contour de ton corps, peut-être 










Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante 
Et me gouverne depuis des jours et des années 
Je deviendrais une ombre sans doute
Ô balances sentimentales.


J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps 
Sans doute que je m'éveille 
Je dors debout, le corps exposé 
A toutes les apparences de la vie 



Et de l'amour et toi, la seule 
qui compte aujourd'hui pour moi 
Je pourrais moins toucher ton front 
Et tes lèvres que les premières lèvres 
et le premier front venu.



J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé couché avec ton fantôme
Qu'il ne me reste plus peut-être 
Et pourtant, qu'à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l'ombre qui se promène 
Et se promènera allègrement 
Sur le cadran solaire de ta vie
Robert Desnos,  "A la mystérieuse", in Corps et Biens, 1930



J’ai rêvé tellement fort de toi,
J’ai tellement marché, tellement parlé
Tellement aimé ton ombre
Qu’il ne me reste plus rien de toi.



Il me reste d’être l’ombre parmi les ombres
D’être cent fois plus ombre que l’ombre
D’être l’ombre qui viendra et reviendra
......Dans ta vie ensoleillée.......

Robert Desnos  "le dernier poème"